Une rencontre révélatrice entre deux professionnels de l'accompagnement dont les métiers sont à la fois similaires et différents.
Une salle de réunion. Une table. Deux chaises.
S’y sont donné rendez-vous aujourd’hui Alexandre Monteiro, psychologue clinicien au Service psychosocial de la Fonction publique, et Marina Alves, orthophoniste au Centre de Logopédie. Ils ne se connaissent pas encore. Mais, rapidement, les langues se délient. Leurs métiers, à la fois très différents et très similaires, les mènent naturellement vers un échange nourri. Travailler pour l’État luxembourgeois, c’est profiter au quotidien d’un vivier de rencontres comme celle-là.
Alexandre est un psychologue qui ne s'arrête jamais d'apprendre, bonifiant son riche bagage clinique de diverses nouvelles formations dans le but d’utiliser de nouvelles approches avec les agents de la Fonction publique qui viennent le consulter — notamment l'hypnose ericksonienne. En plus des consultations cliniques, il donne des formations de type « premiers secours psychologiques » à des agents qui s'inscrivent auprès de l'Institut national d'administration publique (INAP), entre autres.
Marina est une orthophoniste qui travaille avec une clientèle jeunesse au Centre de Logopédie, essentiellement avec des enfants âgés entre quatre et six ans qui ont des troubles du langage, tels que des troubles de l'articulation, de la phonologie ou myofonctionnels1 . Par ailleurs, elle occupe une fonction essentielle en tant que coordinatrice des orthophonistes du Centre de Logopédie.
Marina Alves, orthophoniste au Centre de Logopédie
Au Centre de Logopédie, une multitude de professions œuvrent en harmonie pour assurer une prise en charge complète des individus. Parmi ceux-ci, deux prennent essentiellement en charge les troubles du langage. D’une part les professeurs en enseignement logopédique, qui ont une approche plus pédagogique, et d’autre part les orthophonistes comme moi, qui ont une approche thérapeutique individualisée. On rencontre tous les élèves des cycles 1.1 et 1.2 dès la rentrée de septembre lors des dépistages, et certains poursuivent un parcours thérapeutique avec mon équipe pendant toute l'année, souvent avec des approches ludiques avec les élèves d'école maternelle. C'est vraiment une joie de travailler en équipe, d'ailleurs, on est sept orthophonistes, on s'échange des points de vue et des méthodes. C'est riche.
Et toi, qu'est-ce que tu fais en tant que psychologue ? Tu es apparemment spécialiste d’hypnose ericksonienne ? J’avoue, ça m’intrigue !
Alexandre Monteiro, psychologue clinicien au service psychosocial
Ah, oui, l’hypnose ericksonienne, c’est ma petite spécialisation personnelle, issue d’une formation que j’ai faite pour venir compléter mes études en psychologie. Je l'utilise par exemple dans la gestion des angoisses, ou pour la préparation à des situations qui peuvent être stressantes pour mes clients. Quand je parle de mes clients, je veux dire les agents de la Fonction publique de tous horizons, souvent confrontés à des défis au travail ou des problématiques d’ordre privé. Sinon, je suis en formation pour devenir thérapeute
« systémique », une approche qui ne s'intéresse pas seulement à l'individu, mais à l'interaction de l'individu avec son entourage et avec les systèmes auxquels il appartient, que ce soit au travail, en famille, ou au sein de divers groupes.
Un parcours motivé par un profil sociable et empathique
Épatant comme il faut peu de temps à deux professionnels de la relation d’aide pour entrer dans le vif du sujet. Alexandre et Marina ont tant de points communs. Dès l'adolescence s'est manifesté leur désir de travailler auprès des gens, dans une optique relation d’aide.
Alexandre Monteiro :
C’était ma seule certitude. Ça, et le fait que les cours de chimie-physique n’étaient vraiment pas pour moi !
Marina Alves :
Pareil pour moi, la physique-chimie n'était pas la matière que je préférais ! Plus tard, j’ai hésité longtemps entre l'ergothérapie, la psychomotricité et l'orthophonie. J'aime l'aspect paramédical ! J'étais certaine que ma véritable vocation était de travailler dans une optique de soins, même si cela s'éloignait du parcours classique de la médecine. J'ai aussi adoré travailler avec des personnes âgées en stage. Ce qui était certain, c'est que je voulais travailler avec les gens, j'aime ce contact-là ! Chaque enfant est unique, avec son propre bagage culturel, il est donc nécessaire d'être inventif et d'adopter une approche personnalisée pour chacun d'entre eux. Mais il ne s'agit pas uniquement de notre intervention en tant qu'orthophonistes lors des séances. Un dialogue constant avec les parents est essentiel, car ce que nous mettons en œuvre doit pouvoir être pratiqué à la maison et au quotidien. Le rôle des parents est crucial pour la progression de l'enfant.
Alexandre Monteiro :
Tout pareil ! La psychologie n'est certes pas de la médecine, et d'ailleurs les gens se trompent souvent lorsqu'ils imaginent que ceux qui viennent me consulter souffrent nécessairement de « maladies psychiques ». Il n'y a rien de plus faux. Mais il y a des similitudes en ce qui concerne la relation que je construis avec celui ou celle qui vient me consulter. Il faut s'adapter à chaque personne, c’est vraiment une co-construction entre mon client et moi, à travers une relation qu’on développe peu à peu, en utilisant des outils que j'ai sélectionnés pour aider le client à envisager comment il/elle pourrait changer sa situation.
Marina Alves :
Dans le même ordre d'idée, au Luxembourg il faut aussi s'adapter à la situation du multilinguisme, et je trouve ça particulièrement enrichissant. Je dois souvent créer des jeux en français, espagnol, italien, portugais, polonais, serbo-croate, albanais, luxembourgeois et bien d'autres. On essaie d'avoir du matériel adapté, et on fait en sorte que chaque enfant puisse avancer à son rythme. C'est aussi là une des grandes forces du secteur public. Le fait de disposer de plus de moyens pour obtenir une variété de matériel adapté, qui peut ensuite être utilisé en séance par les enfants.
Le contexte dans lequel évolue chaque enfant à l'école et à la maison doit être considéré. Parfois, le rôle de l'orthophoniste consiste aussi à pouvoir orienter les parents lorsque l'aide apportée n'est plus adaptée ou insuffisante, allant jusqu'à les guider vers d'autres services d'accompagnement gratuits proposés par l'État ; on doit vraiment travailler au cas-par-cas. C'est la meilleure façon de voir des progrès réels. C'est incroyablement valorisant d'observer l’évolution des élèves au fil des mois.
Travailler pour le service public, un choix assumé
Alexandre et Marina, tout sourires, évoquent par la suite leurs conditions de travail appréciables, les multiples formations auxquelles ils ont accès, leur sentiment que c’est dans le service public que leur profession évolue le plus. Ils sont aux premières loges des changements de la société et doivent s’y adapter et être inventifs dans leur pratique quotidienne.
On n’aurait pas imaginé deux professionnels de la relation d’aide prononcer aussi souvent le mot « accessibilité ». Pourtant, Alexandre et Marina répéteront à quelques reprises leur plaisir de travailler pour l’État luxembourgeois et de pratiquer dans un contexte où leurs services sont « accessibles à tous ».
Marina Alves :
Le Luxembourg est précurseur en matière d’accessibilité à l’orthophonie pour tous les élèves du système scolaire. Au Grand-Duché, le dépistage des troubles linguistiques est réalisé systématiquement auprès de tous les élèves des cycles 1.1 et 1.2. On est tous amenés à participer à ce grand effort chaque année. La possibilité d'accéder à ces services est une valeur qui me tient à cœur. Certes, il faut admettre qu'il reste du chemin à parcourir pour sensibiliser le grand public à l'orthophonie. Mais, le fait que ces services soient gratuits est un véritable atout, cela rend les soins accessibles à tous. Sans cette disposition, de nombreux parents ne pourraient offrir à leur enfant un suivi orthophonique.
Alexandre Monteiro :
Tu as tout à fait raison ! Il en va de même pour les soins psychologiques. Même si les conditions sont bonnes à la Fonction publique, je sais très bien que certains de mes clients n’auraient pas les moyens financiers de se payer mes services. C'est rassurant de voir que le Luxembourg valorise autant la santé mentale de ses agents. Tous ont le même accès aux services des psychologues, peu importe leur rang dans la hiérarchie. C’est d’autant plus important que les soins en santé mentale sont encore considérés tabous par beaucoup de monde, et qu’il y a encore beaucoup de freins à se les procurer.
Marina Alves :
J'ai pensé ouvrir mon propre cabinet privé au début de ma carrière. Mais, aujourd'hui, je ne regrette pas mes choix. Pour moi, ce qui importe le plus, que ce soit dans le public ou en libéral, c'est de pouvoir offrir un service de qualité. Même s'il est vrai qu'au public, on peut se concentrer davantage sur les enfants, il y a moins de tâches administratives, moins de considérations pécuniaires, et bien davantage de budget pour le matériel, de flexibilité et de liberté.
Alexandre Monteiro :
Personnellement, je n’ai pas forcément cherché à travailler pour la Fonction publique dès mes débuts non plus. J'ai d’ailleurs œuvré dans le domaine privé pendant 12 ans. Mais passer au public m’a vraiment donné le sentiment de rendre ma pratique plus accessible.
« J'espère que de plus en plus de personnes s’intéresseront à ces métiers-là et voudront les pratiquer au sein de la Fonction publique, parce que c'est très valorisant ! », conclut Marina.
Alexandre approuve d’un sourire complice.
Ils auront besoin de nouveaux collègues, alors que la santé mentale et les soins paramédicaux sont de plus en plus prioritaires au Luxembourg. Joignez-vous à eux et postulez ici.
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